Oasis de paix et de culture | The Ismaili Canada

En Français

Oasis de paix et de culture

Dans les villes surpeuplées, les espaces verts offrent renouveau et répit

Par
Malika Ladha
Published September 30, 2020
La pépinière Sunder de New Delhi présente un axe piétonnier central spectaculaire. Crédit : AKTC.

Lorsqu’Amir Ahmadi s’est installé à Kaboul avec sa famille après avoir quitté le centre de l’Afghanistan en 2004, il pouvait constater les effets négatifs des guerres civiles qui ont frappé l’Afghanistan en déambulant dans les rues. Les familles et les amis disposaient de peu d’endroits pour se réunir.

Mais les choses ont commencé à changer en 2008, lorsque Bagh-e Babur, un jardin du 16e siècle, aménagé en l’honneur de Babur, le premier empereur monghol, a été rouvert au public. Aujourd’hui, la famille d’Amar Ahmadi visite le jardin clos, placé sous haute surveillance, au moins deux fois par mois pour échapper à l’animation de la ville et célébrer des fêtes comme Navroz et l’Eid.

« Les familles n’avaient pas d’endroit pour se réunir et pique-niquer. Maintenant, il y a Bagh-e Babur, le seul endroit où les gens se sentent en sécurité à Kaboul », affirme Amir Ahmadi. « Dans une ville agitée, Bagh-e Babur est comme le nez qui permet au corps de respirer. »

Les gens dans les jardins de Bagh-e-Babur au printemps. Crédit : AKTC.

Bagh-e Babur, le plus ancien jardin islamique encore existant, avait été fortement endommagé par les conflits des années 1970 et 1980, comme la plupart des infrastructures de Kaboul, et avait été laissé à l’abandon depuis des années. De 2003 à 2008, le Trust Aga Khan pour la culture (AKTC) a restauré le jardin de 11 hectares et les installations publiques environnantes, qui abritent une piscine, un complexe palatial et un caravansérail du 17e siècle.

Le jardin, qui met en vedette un chahar bagh et 15 vergers en terrasse descendant en pente vers la rivière Kaboul, est désormais un refuge accueillant pour les familles. Le succès de Bagh-e Babur a incité l’AKTC à se lancer dans un projet de rénovation sur plusieurs années du jardin et du palais Chihilsitoon du 19e siècle, le plus important lieu public historique de Kaboul. Les deux jardins comptent maintenant parmi la poignée d’espaces publics où les femmes peuvent socialiser en toute sécurité à Kaboul.

« Lieu déchiré par la guerre, Kaboul révèle un côté sombre en raison de problèmes de sécurité persistants. Les jardins sont devenus un symbole d’espoir pour l’avenir », indique Jurjen van der Tas, directeur des partenariats et du développement de l’AKTC.

Bagh-e Babur est divisé en terrasses en escalier sur seize niveaux, disposées sur les pentes du mont Sher Darwaza. Crédit : Christian Richters/AKTC.

M. Van der Tas participe à la gestion du portefeuille diversifié d’initiatives touchant les parcs et les jardins du Trust Aga Khan pour la culture, dont sept se trouvent dans six villes de pays en développement, à savoir Bamako, Delhi, Kaboul, Khorog, Zanzibar et Le Caire. Dans ces villes, une croissance rapide jumelée à une planification urbaine déficiente ont mené à la perte des espaces verts.

« Trop souvent au cours des dernières années, l’architecture urbaine, sous la pression de l’urbanisation des populations rurales, de l’augmentation de l’espérance de vie et de budgets en décroissance, a négligé l’importance de l’aménagement d’espaces ouverts dans le cadre d’un espace urbain sain », affirmait Son Altesse l’Aga Khan à l’inauguration du Parc Aga Khan à Toronto en 2015. « Nous continuons d’entasser les édifices en concentrations très denses sans tenir compte de l’impact énorme que les espaces verts bien aménagés peuvent avoir sur la qualité de la vie urbaine. »

De Bamako à Delhi, les parcs et les jardins de l’AKTC sont devenus des centres culturels qui unissent les communautés pour des pièces de théâtre et des festivals et offrent un espace sûr pour les femmes et les enfants. De tels projets de revitalisation ont également entraîné des avantages économiques concrets.

Au Tadjikistan, qui dispose de peu de lieux de rassemblement public malgré une plus grande stabilité au cours des dernières décennies, la revitalisation du parc de Khorog, le principal espace vert de la cité, a procuré un endroit plus que nécessaire pour les activités récréatives et communautaires. Le projet a également permis de créer 65 emplois locaux.

À Zanzibar, l’AKTC a entrepris la rénovation du Parc Forodhani dans le quartier historique de Stone Town, un site du Patrimoine mondial où se reflètent des éléments des cultures arabes, indiennes et européennes nées du commerce maritime. Grâce à ces travaux, l’AKTC a préservé un important héritage musulman et donné une impulsion au tourisme, la base de l’économie locale.

Le parc Al-Azhar. Crédit : Tara Todras-Whitehall/AKTC.

Au Caire, l’AKTC a transformé une décharge de décombres de 500 ans en un parc. Le Parc Al-Azhar, lieu luxuriant de 30 hectares, est devenu le poumon vert de la ville. Le projet a servi de catalyseur pour la rénovation urbaine de Darb al-Ahmar, un quartier voisin pauvre où s’entassent 100 000 Cairotes dans 1,5 kilomètre carré au cœur de la capitale.

Ce quartier historique islamique du Caire, autrefois animé, a changé lorsque des installations manufacturières ont été construites et que les habitants ont perdu le contact avec leur environnement. Au fil de temps, le parc avait été utilisé comme une décharge pour les décombres laissés par les tremblements de terre, les incendies et les travaux de reconstruction. Au cours du retrait de plus de 1,5 million de mètres cubes de gravats et de terre, un mur de la période ayyoubide du 12e siècle et plusieurs monuments historiques ont été découverts. Le trust Aga Khan pour la culture a entrepris l’excavation et la rénovation majeure de ces monuments historiques dans le cadre de l’aménagement du parc.

Des centaines de jeunes, hommes et femmes de Darb al-Ahmar, ont été embauchés pour travailler aux projets de restauration et dans le parc. En outre, les recettes tirées de la vente de billets ont été utilisées pour la réalisation d’initiatives de rénovation et de santé à Darb al-Ahmar. Les habitants ont maintenant accès à des formations techniques dans différents secteurs d’activité, comme la fabrication de souvenirs et la confection de chaussures, ainsi qu’à du microcrédit permettant d’ouvrir et d’exploiter de petites entreprises.

« Le nombre de comptoirs de boissons et de nourriture a doublé, et des constructions couvrent les lots autrefois vacants. Les revenus sont désormais plus élevés et le niveau de vie a connu une amélioration », ajoute M. van der Tas de l’AKTC.

Le parc national du Mali. Crédit : Christian Richters/AKTC.

À Bamako, la ville à la plus forte croissance en Afrique, l’AKTC a répondu à une demande croissante d’installations récréatives publiques en collaborant avec le gouvernement du Mali pour construire de nouveaux aménagements dans le parc national du Mali. Le parc, bâti pendant l’époque coloniale française, se situe au cœur d’une réserve forestière de 2 100 hectares. La revitalisation du parc national a été terminée en 2010. Les 103 nouveaux hectares de verdure abritent un complexe sportif, un amphithéâtre, un restaurant et des parcours de mise en forme, de jogging, de vélo et d’alpinisme de diverses intensités, offrant des espaces récréatifs et de loisirs dans une des villes les plus pauvres du monde.

Après l’ouverture du parc rénové, les projets de revalorisation se sont étendus au Zoo National du Mali adjacent, à la demande du gouvernement pour le compte de la collectivité. Le zoo a toujours été populaire auprès de la population locale, mais son état de délabrement ainsi que le bien-être des animaux enfermés dans de petites cages préoccupaient les visiteurs. L’attraction nouvellement rénovée, qui respecte à présent les normes internationales en matière de parcs zoologiques, accueille maintenant plus de 100 espèces et recrée des habitats naturels pour ses locataires. Les chimpanzés peuvent grimper aux arbres et aux hamacs, les lions disposent d’une petite forêt et d’une rivière artificielle et le zoo compte une nouvelle volière et un nouvel aquarium. Le zoo sert également à la recherche et aux efforts de conservation d’espèces africaines en danger.

Lakkarwala Burj, une tombe moghole du 16e siècle dans la pépinière Sunder, après restauration. Crédit : Christian Richters/AKTC.

La préservation historique fait partie intégrante de nombreux projets de l’AKTC, qui visent à souligner l’importance de la conservation de lieux culturels, même dans des pays aux prises avec des conflits et des difficultés à remplir les besoins de base de leur population. « Pour que nous puissions nous projeter dans l’avenir, nous devons connaître nos origines », explique M. van der Tas. « Ces parcs et jardins permettent aux gens de mieux comprendre leur histoire et leur donnent un sentiment de fierté. »  

À Delhi, l’AKTC a passé pratiquement une décennie à la rénovation de la pépinière Sunder, un jardin de 36 hectares adjacent au tombeau de l’empereur monghol Humayun. Le complexe abrite maintenant 12 monuments du 16e siècle, classés dans le patrimoine mondial de l’UNESCO, deux amphithéâtres, 4 500 arbres et 12 hectares d’un écosystème diversifié qui permet d’assurer la préservation de la flore et de la faune de la région.

Ces travaux de rénovation ont permis d’embaucher plus de 2 000 sculpteurs de pierre, plâtriers, maçons et jardiniers traditionnels, nombre d’entre eux provenant de quartiers pauvres, tandis qu’une initiative connexe de renouvellement urbain a vu une amélioration de l’éducation, de la santé et de l’hygiène dans les districts environnants. Les quartiers voisins disposent désormais de nouveaux complexes de toilettes communautaires et 400 enfants ont reçu une éducation en anglais. 

Un artisan travaille sur une décoration murale de Sunder Burj, une tombe moghole du 16e siècle dans la pépinière Sunder. Crédit : AKTC.

La pépinière Sunder restaurée rend hommage à l’héritage musulman et sert à la fois d’oasis urbaine dans une métropole densément peuplée de 19 millions d’habitants. Elle a également contribué à l’industrie touristique de Delhi. En 2018, Time Magazine a désigné la pépinière Sunder comme l’un des 100 meilleurs endroits au monde. Elle figure aussi parmi les cinq principaux attraits de la ville selon TripAdvisor, un site Web de voyage populaire.

En même temps, les parcs et jardins de l’AKTC offrent des espaces de contemplation personnelle. En 2018, le chanteur Nizar Ferozy et sa famille ont quitté Kaboul pour s’installer à Delhi, parce qu’ils craignaient pour leur sécurité. Malgré leurs différences historiques et architecturales, M. Ferozy décrit Bagh-e Babur et la pépinière Sunder comme des paradis écologiques d’où il tire son inspiration artistique.

M. Ferozy a récemment filmé une vidéo dans la pépinière pour un nouveau projet musical inspiré par le divin. « Ces jardins me permettent de recréer un lien avec le passé et de réfléchir à la façon dont les gens vivaient leur vie. Ce lieu est stimulant et inspirant » explique-t-il.

Les oasis vertes de paix et de culture de l'AKTC continueront d’améliorer et de favoriser la croissance sociale, culturelle et économique à travers le monde. Comme l’a exprimé l’Aga Khan lors de l’inauguration de la pépinière Sunder en 2018, ces joyaux de verdure sont des « cadeaux du passé qui continueront d’offrir, longtemps dans l’avenir ».

_

Dre Malika Ladha est en dernière année de résidence en dermatologie à Calgary et chef de bureau des Prairies pour The Ismaili Canada. Elle est fascinée par les croisements entre le journalisme, la santé et la culture.

 

Cet article a été publié à l'origine dans le numéro d’été 2020 de The Ismaili Canada.

The Ismaili

Contact Us

His Highness Prince Aga Khan Shia Imami Ismaili Council for Canada

49 Wynford Drive Toronto, Ontario M3C 1K1 CANADA

Tel: +1-416-646-6965

Stay Connected

Subscribe to the Al-Akhbar newsletter today. Join over 40,000 people who receive weekly local, national and international news.

Sign-Up

Download the iiCanada App

Download on the App Store Download on the Google Play