Votre Honneur, vous êtes en fonction depuis quelques mois. Comment s’est déroulée la transition jusqu’à présent?
Salma Lakhani : En raison de la pandémie, j’ai eu le temps de me familiariser avec ce rôle. Personne ne se prépare jamais à un tel poste. Je m’inquiète de ne pas pouvoir sortir et faire connaissance de mes concitoyens albertains, en particulier dans les régions rurales de l’Alberta, et de ne pas pouvoir être à l’écoute de leurs aspirations et de ce qui compte pour eux. J’assisterais normalement à cinq à sept événements par jour. Toutefois, j’ai eu l’occasion d’entrer en contact avec les maires et les dirigeants de toute la province pour savoir ce qui se passe dans leurs communautés pendant cette période. J’ai aussi une équipe formidable qui m’a aidée dans mon parcours, donc la transition s’est très bien déroulée.
Qu’est-ce qui a conduit à votre nomination au poste de lieutenante-gouverneure?
S. L. : J’ai le sentiment que ma nomination est un gage de reconnaissance à l’égard de toutes les organisations que j’ai soutenues. Jamais je ne me suis dit : « Qu’est-ce que je vais en retirer? » J’ai toujours voulu aider les gens, et la plus grande partie de mon travail a été effectué au niveau communautaire. Mon travail au NorQuest College est celui qui me tient à cœur. J’y ai encadré des personnes défavorisées, notamment des nouveaux arrivants et des réfugiés, et j’ai contribué à la collecte de fonds d’urgence pour les étudiants et les garderies. Une fois, j’ai conseillé un jeune réfugié de la République du Congo, qui a maintenant posé sa candidature à une charge publique et a créé une bourse en son nom au NorQuest College.
Quelqu’un a remarqué le travail que j’avais accompli au fil des ans et, un jour, j’ai reçu un appel du bureau du premier ministre pour me dire que mon nom avait été retenu pour le poste de lieutenante-gouverneure. J’étais tellement abasourdie que je leur ai demandé s’ils s’étaient trompés de personne! Ma famille m’a beaucoup soutenue. En juin, j’ai reçu un appel téléphonique du premier ministre m’offrant le poste. Avec une grande amabilité, il a affirmé qu’il était d’avis que la communauté ismailie avait grandement contribué à bâtir le Canada, et qu’il en était reconnaissant.
Quelles sont vos responsabilités principales en tant que représentante de la Reine?
S. L. : Le devoir constitutionnel le plus important est de donner la sanction royale aux projets de loi adoptés par l’Assemblée législative qui deviennent ensuite des lois. Le rôle cérémoniel, que je trouve amusant, est tout aussi important. Je préside des cérémonies de remise de prix et je reconnais le travail extraordinaire des personnes qui aident à bâtir des communautés dans toute la province. C’est ainsi que j’entre en contact avec les gens et que j’établis des liens avec eux.
En quoi le fait d’être musulmane ismailie ou d’avoir été apatride vous donne-t-il une perspective unique pour remplir ce rôle?
S. L. : Le fait d’avoir été apatride me procure de l’empathie pour les personnes qui ont vécu des situations similaires ou des expériences encore plus horribles. Nous avons quitté l’Ouganda les mains vides. Avec du recul, nous sommes chanceux d’avoir pu rester en vie. Je suis déterminée à apporter de l’aide et de l’espoir aux gens qui font face à des obstacles pour réussir dans la vie.
Le bénévolat est la pierre angulaire de notre communauté. On nous apprend à rendre service à un très jeune âge selon nos capacités, et à prendre conscience de la nécessité de contribuer à la société. De plus, on nous apprend que les privilèges s’accompagnent de responsabilités. Nous voyons le résultat de notre travail lorsque nous nous soutenons les uns les autres, et nous pouvons répandre cela dans d’autres communautés.
Le Canada célèbre la diversité et c’est un des pays où des histoires comme la mienne sont possibles. Cependant, il y a encore beaucoup à faire. Nous devons tous travailler davantage pour que de plus en plus de personnes puissent aussi pleinement bénéficier de cette promesse.
Qu’espérez-vous accomplir en tant que lieutenante-gouverneure?
S. L. : Chaque lieutenant-gouverneur souhaite laisser un héritage. Je vais prendre mon temps pour décider de ce dont il s’agira. Pour moi, l’éducation est très importante. Je dis aux étudiants que je rencontre que leur atout le plus important est l’éducation et que personne ne peut la leur enlever. J’aimerais également me concentrer sur le travail auprès de nos communautés autochtones; nous n’en savons pas assez sur nos frères et sœurs autochtones. Nous avons besoin de ces connaissances pour aller de l’avant et bâtir sur ces fondations. Je tiens aussi à souligner l’importance des personnes qui effectuent du travail communautaire. Ces personnes sont nos héros méconnus.
Les jeunes d’aujourd’hui sont avides de créer un changement positif dans le monde qui les entoure. Que pouvez-vous leur dire sur le leadership?
S. L. : Je leur dirais de trouver leur passion et de s’assurer qu’ils croient vraiment à la cause qu’ils soutiennent. Cela leur facilitera grandement la tâche. Et de ne pas s’inquiéter s’ils doivent commencer tout au bas de l’échelle. Il est toujours possible de gravir les échelons avec du talent et du potentiel et les gens autour sauront le reconnaître. Nous avons besoin de personnes qui s’occupent de gouvernance et de politique, mais l’essentiel du travail se fait dans les milieux communautaires, où j’ai, moi aussi, réalisé la majeure partie de mon travail. Si vous souhaitez pour les autres ce que vous souhaitez pour vous-même et que vous voulez faire une différence, alors vous êtes sur la bonne voie. C’est quelque chose que j’ai toujours gardé à l’esprit.
Faire du bénévolat dans la communauté ismailie, c’est un formidable terrain d’apprentissage ainsi qu’un tremplin qui vous outille pour le travail en dehors de la communauté.
Enfin, ne laissez personne vous dire que ce que vous êtes ne suffit pas en raison de votre appartenance ethnique, de vos croyances religieuses ou de votre orientation sexuelle. Restez fidèle à vous-même. Si vos actions inspirent les autres à apprendre davantage, à rêver davantage, à devenir davantage, alors vous êtes un leader.