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Faire face au racisme

Des éducateurs et professionnels ismailis font appel au dialogue pour lutter contre le racisme systémique au moyen d’ateliers, d’éducation et d’analyse.

Par
Gian Marco Visconti
Published October 23, 2021
Entourée de tiges de tournesols, une femme lève la main en signe de manifestation pacifique après la mort de George Floyd. Crédit : Andrew “Donovan” Valdivia on Unsplash

En mai 2020, George Floyd, un homme noir de 46 ans, a été assassiné aux mains des policiers de Minneapolis. Arrêté pour avoir prétendument utilisé un faux billet de 20 dollars, les séquences vidéo montrent un policier blanc plaquant George Floyd au sol, à genoux sur son cou. Au cours de ses derniers instants, on l’entend dire plus de 20 fois qu’il ne peut pas respirer. Ce meurtre a incité des millions de personnes à protester contre le racisme anti-Noir à travers les États-Unis et a stimulé le militantisme antiracisme dans le monde entier.

Trois jours après la mort de Floyd, Alia Jeraj, éducatrice à Minneapolis, a écrit une lettre ouverte dans laquelle elle exhorte ses consœurs et confrères ismailis à participer à la lutte contre le racisme. Sa lettre a fait le tour des médias sociaux. Lorsqu’elle est parvenue à Salima Versi, psychothérapeute à Edmonton, cette dernière a répondu à l’appel. En collaboration avec trois autres personnes, Mme Versi a créé un cours de lutte contre le racisme destiné aux membres de la communauté ismailie.

Mme Versi fait partie d’un groupe croissant d’ismailis engagés politiquement qui luttent contre le racisme qui les entoure. Partout au Canada, ces volontaires et professionnels soutiennent le mouvement de lutte contre le racisme en cherchant à faire évoluer les attitudes des membres de la famille, des amis, des collègues et de la société en général.

Le mouvement Black Lives Matter (BLM) qui a attiré l’attention sur les violences policières et les fusillades mortelles contre les personnes noires aux États-Unis depuis 2013, en plus d’avoir suscité un activisme mondial, a inspiré ces acteurs du changement. Au Canada, les militants du mouvement BLM se sont concentrés sur la violence policière envers les communautés noire et autochtone, et ont incité les Canadiens à parler plus ouvertement des questions raciales. Le mouvement antiraciste dénonce le racisme systémique, c’est-à-dire la manière dont les institutions et les pratiques culturelles créent et renforcent les inégalités raciales. Le racisme systémique peut être explicite, comme dans le cas d’une loi refusant le droit de vote à un groupe racial, ou plus discret, comme un processus d’embauche ou d’admission qui favorise subtilement certains groupes par rapport aux autres.

« Il existe un réel désir d’examiner comment nous traitons ces questions [en tant que musulmans ismailis] », déclare Taleeb Noormohamed, membre du Social Justice Task Force (SJTF) du Conseil Aga Khan pour le Canada. 

Formé à la suite des manifestations du mouvement BLM en juin 2020, ce groupe de travail vient prolonger les efforts du portfolio Diversity and Inclusion du Conseil, en travaillant à créer un dialogue sur l’équité et la justice dans le contexte de la tradition et des institutions ismailies. Le groupe a organisé des tables rondes sur l’équité, l’inclusion et la justice sociale afin d’inspirer le changement.

« Nous les considérons comme des espaces organisés plus sûrs où nous pouvons avoir ces conversations et peut-être nous engager dans ce que nous appelons un "malaise productif" », explique Shelina Kassam, spécialiste des questions raciales à l’Université de Toronto et membre du groupe de travail.

Le pluralisme en action

Mme Versi aborde l’antiracisme sous l’angle du pluralisme, c’est-à-dire le principe de la reconnaissance, de la valorisation et du respect de la diversité humaine. Il s’agit d’une valeur importante pour Son Altesse l’Aga Khan, qui a créé le Centre mondial du pluralisme à Ottawa pour contribuer à créer un monde où les différences humaines sont célébrées et où les sociétés diverses prospèrent.

« [Son Altesse] affirme très clairement que le pluralisme est un processus et non un résultat », explique-t-elle. « Ce n’est pas un objectif que l’on atteint. C’est une façon de faire les choses, une pratique du monde. »

... L’objectif est de cultiver une « culture d’inclusion, d’équité [et] de justice » présente dans tout ce qui est fait au sein de la communauté ...

Shelina Kassam et Taleeb Noormohamed remarquent que, bien que les questions de justice raciale aient été approfondies au cours de la dernière année et que le SJTF ait été fondé récemment, ces questions sont intrinsèques à la tradition ismailie.

« La lutte pour la justice n’est pas quelque chose d’étranger aux communautés musulmanes », déclare Mme Kassam, dont l’espoir consiste à ce que le SJTF ne soit plus nécessaire en tant que groupe de travail. L’objectif est de cultiver une « culture d’inclusion, d’équité [et] de justice » présente dans tout ce qui est fait au sein de la communauté, dit-elle.

M. Noormohamed souligne que le groupe de travail trouve sa valeur dans son rôle de « partenaire de réflexion » pour la communauté, en cherchant des réponses à l’injustice sociale dans le domaine public et dans nos vies privées.

Lutter contre le racisme

En réponse à l’injustice subie par les personnes noires victimes de violences policières, Mme Versi s’est jointe à trois autres ismailis pour créer un cours en ligne sur la lutte contre le racisme destiné aux ismailis khojas d’Asie du Sud, en particulier ceux qui ont émigré au Canada de l’Afrique orientale. Les participants ont exploré leurs propres expériences et traumatismes liés à la race, qu’ils aient vécu en tant que personne de couleur au Canada ou qu’ils aient fui l’Ouganda en tant que réfugiés lors de l’expulsion des Sud-Asiatiques du pays en 1972. L’équipe espérait établir un lien entre les expériences personnelles et les questions plus larges de racisme dans la société.

Les animateurs ont ensuite abordé avec les participants des questions liées au racisme au Canada, notamment la colonisation et le déracinement des peuples autochtones, l’histoire et les conséquences du réseau des pensionnats, ainsi que la violence policière à l’encontre des Noirs et des autochtones. Ils ont également discuté de l’impact de l’héritage colonial de l’Afrique de l’Est sur la vision du monde des Khojas.

« Ma mère [qui a grandi en Afrique de l’Est] a vécu un certain nombre de prises de conscience », explique Mme Versi. « Elle a réalisé à quel point le fossé racial était fort pendant sa jeunesse. Par exemple, elle a expliqué que les appartements qui étaient plus près des quartiers noirs étaient considérés comme moins désirables que ceux des quartiers blancs. »

« Il y a une différence entre ne pas être raciste et être antiraciste. Être antiraciste, c’est reconnaître activement les systèmes en place et travailler à les changer. »

Les participants se sont sentis motivés à faire bouger les choses, ajoute-t-elle. Deux médecins se sont engagés à intégrer la question raciale dans les évaluations du bien-être des patients. La mère de Mme Versi, l’aînée des participants, a signé une pétition pour la première fois. Cette pétition faisait état d’inquiétudes quant aux pratiques partiales de la GRC conduisant à la violence contre les peuples autochtones. 

Sofia Alani, l’une des co-créatrices du cours et directrice de projet dans un organisme sans but lucratif d’Edmonton, explique que les personnes de couleur peuvent éprouver des difficultés dans leur relation au racisme dans la société et aux structures sociales qui le renforcent. Le cours offrait une occasion de réfléchir à ces questions.

« Il y a une différence entre ne pas être raciste et être antiraciste. Être antiraciste, c’est reconnaître activement les systèmes en place et travailler à les changer », dit-elle. « Une grande partie de cela consiste à être prêt à accepter ses privilèges et à y renoncer. »

Les systèmes sous surveillance

La Dre Farha Shariff, éducatrice spécialisée dans la lutte contre le racisme, cherche également à transformer les systèmes partiaux. Chargée de cours adjointe à la faculté d’éducation de l’Université d’Alberta, elle montre aux enseignants en formation initiale comment éviter les préjugés raciaux dans leurs classes. 

« Les enseignants qui adoptent une approche antiraciste apprendront aux jeunes d’aujourd’hui à remettre en question les systèmes d’oppression », déclare Mme Shariff. La demande pour ses services a augmenté depuis mai 2020. Le service de police d’Edmonton, des écoles d’Edmonton et un groupe national de médecins ont sollicité son aide.

« Pour moi, le succès ne réside pas dans le nombre de programmes, mais dans les conversations. »

Selon Sabrina Meherally, consultante en diversité et inclusion résidant à Vancouver, les efforts institutionnels sont essentiels pour lutter contre le racisme systémique. Elle décrit les manifestations de 2020 comme une étape charnière. « Jusqu’alors, en particulier au Canada, très peu d’organisations considéraient la diversité, l’équité et l’inclusion comme des enjeux professionnels qui avait sa place dans le contexte d’une entreprise », dit-elle. « Maintenant, les gens commencent à comprendre qu’il n’est pas possible de séparer nos expériences professionnelles, personnelles et sociales. »

Réfléchissant à la manière dont le SJTF évaluera son succès, Mme Kassam dit privilégier le dialogue aux interventions. « Pour moi, le succès ne réside pas dans le nombre de programmes, mais dans les conversations », dit-elle.

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